• PIERRE RIVE extraits livres Ecriture Vol 1 et Vol 2

     

     

    Livres - Écritures poétiques (1994 - 2004) 

     

    Ils nous ont dit

    Que dans le bataillon

    La dissension n’existait pas.

     

    Ils nous ont dit

    Que le jeu était bien organisé

    Que les brancards nous suivraient de près.

     

    Ils nous ont dit

    Qu’il fallait être sans pitié

    Que l’éthique se trouvait dans la poudre.

    Et

    Grande subtilité de la guerre

    Ils nous ont dit

    Qu’il était interdit de torturer

    Que les sages feraient l’arbitrage.

     

    Quand le fleuve de sang fut en crue

    Ils nous ont dit

    Qu’il fallait nager

    Bien respirer

    Se méfier des tourbillons.

     

    Ils nous ont dit

    Que bientôt

    Les îles de la victoire apparaîtraient

    Que bientôt

    Dans les fanfares de la gloire

    Les rats de la douleur et de l’angoisse

    Ne rongeraient plus nos nuits.

     

     La Guerre

     

     

     

    Torero

    Te voici de nouveau dans l’arène de la nuit.

    Le rouge de ton cœur attise

    Le taureau de l’esprit.

     

    Toutes ces phrases

    Que tu as murmurées

    Reviennent dans la poussière du combat

    Comme des rayons lumineux.

     

    Torero

    Ton linceul en lambeaux

    Habille les hanches de la vie.

     

    Une flamme danse

    Dans ton regard.

     

    Le taureau charge :

    Les mots se bousculent.

     

    Le taureau s’échine :

    La musique est là.

     

    Torero

    Tu as mis fin

    Aux gémissements de la bête.

     

    La guitare des sentiments résonne encore

    Entre tes doigts lunaires.

     

    C’est la fête.

     

    Tu bois le vin.

     

     Le Torero

     

     

    Il secoue sa crinière :

    Des poux de lumière tombent à terre.

     

    Ses griffent lacèrent le cuir de l’existence.

     

    Ses crocs mordent la chair du vent.

     

    La gueule en sang

    Il se lèche les babines.

     

    Ses rugissements se perdent avec l’aurore.

     

    Repu

    Il se couche dans la poussière

    Les yeux brûlés

    Par

    Les étoiles.

     

     Le Lion

     

     

     

    Nous sommes habitués aux lumières factices :

    La fée Electricité est devenue

    Notre quotidien.

     

    En effet

    Il suffit d’appuyer sur un bouton

    Pour que la magie s’opère :

    Lampes

    Ecrans

    Machines à rêver

    Machines à envier

    Machines…

     

    Nous

    - pays de la richesse et de la sublimation -

    Maintenant, nous respirons par le clavier :

    Voici la bête informatique

    La puce de cirque

    La panacée.

    Tout se programme :

    Les fantasmes

    Les loisirs

    Le business.

    Nous transigeons et strangulons

    A une vitesse vertigineuse.

     

    Cependant

    Le geste est devenu infirme :

    Nous sommes condamnés

    Avec nos lunettes mirifiques

    Enfoncées jusqu’aux orbites

    Et nos éprouvettes

    Dans les bassins des dieux.

    Le monde est un yo-yo

    Entre des mains capricieuses.

     

    Avec l'image qui prime sur le sens

    Avec la vanité qui tue les causes

    Ils nous transmettent l’information.

    Puis

    Pour nous faire oublier les nouvelles insidieuses

    Ils nous ont inventé le grand jeu populaire

    Avec ses gazelles

    Ses ballons de baudruche

    Ses réponses à suspense.

     

    Bref !

     

    Tout va bien !

     

    La fée est vraiment généreuse.

     

    Quand vient la fin d’année

    Nous buvons ses soupes à sortilège :

    Ses baves de crapauds fluorescentes

    Ses vers luisants.

    Nous regardons les serpents qui s’enroulent

    Autour des arbres divins.

    Et même

    Même si nous sommes affligés

    Même si l’overdose est là

    Il ne faut surtout pas le montrer.

     

    Nous marchons

    Nos paupières changent de couleur

    Sous les enseignes lumineuses.

    Pauvres caméléons !

    Quand ?

    Quand retrouverons-nous

    La feuille blanche de l’intégrité ?

    Nous marchons

    Sur les tapis rouges des avenues

    Avec les plumes de la suffisance

    Qui nous souhaitent JOYEUSES FETES.

     

    Alors que

    La nuit tombait

    Et que rayonnaient des milliers d’écrans.

     

    Alors que

    Sous les réverbères

    Des bandes de jeunes loups

    Mâchaient des fantasmes.

     

    Panne !

     

    Panne d’électricité !

     

    La baguette magique est tombée

    Dans la gueule immense

    De l'obscurité.

     

     

    Certaines personnes réagissent très mal

    A ce genre d'imprévu.

    Ils vont dans tous les sens

    Comme des animaux de basse-cour

    Privés de leur bectance.

    Parce que l’essentiel n’est plus

    Ils s’énervent

    Se bousculent

    S’invectivent.

    Le manque se fait pressant :

    La veine réclame.

     

    En écoutant le remue-ménage

    En riant de ces pas confus dans les couloirs

    En tâtonnant les tiroirs

    J’ai sorti une bougie.

     

    En tenant cet objet

    J’ai pensé à ces rats des villes

    Qui masquent nos visages

    A ces paradis précaires

    Qui se glissent entre l’encre et le papier.

    J’ai pensé à toutes ces besognes

    Qui nous saignent

    Et qui se tiennent la main

    Loin des murs blancs

    Loin des vignes de la nuit

    Loin des pierres du silence.

     

    J’ai allumé la mèche.

     

    D’abord froide et insignifiante

    La flamme a déchiré le noir.

     

    Puis

    Attisée par le vent de la fenêtre

    Elle s’est mise à lécher l’espace.

     

    Le rêve a dansé

    Parmi les ombres et les lumières.

     

    La bougie s’est consumée.

     

    La bougie

    Que ma main avait allumée

    Le temps d’une trêve.

     

    La bougie

     

     

    Ton cœur battait si fort

    Quand tu étais nu

    Dans les buissons du silence.

     

    Ton cœur battait si fort

    Quand ta bouche a mordu

    La clarté de son sourire.

     

    Les embruns étaient sur ton visage

    Pour te rappeler le souffle.

     

    Les guerriers de l’habitude

    Avaient les yeux inertes :

    Ils baignaient dans leur sang ;

    Un rêve assassin les avait pris pour cible.

     

    Des enfants déchiraient la toile du ciel

    Avec des rires incessants.

     

    Le vent prenait de l’ampleur

    Et l’encre aventureuse hissait sa voile.

     

    Ton cœur battait si fort

    Quand tu étais nu

    Et que ta main a soulevé

    Sa robe.

     

    Pourtant

    Elle n’était pas faite

    De

    Chair.

     

    Buissons

     

    Ensemencée d’étoiles

    Elle répand sur le sable

    Des paroles

    Des fragments

    Des sourires lointains.

     

    Tantôt langoureuse

    Semblable à une gitane

    Sur un banc de coquillages

    Ses doigts caressent

    Les cordes du vent.

     

    Tantôt échevelée

    La sueur perle son visage.

    Elle frappe sur les batteries ;

    Les embruns se perdent ou se captent

    Avec les cris des oiseaux palmipèdes.

     

    Aux lunes pleines

    Se tissent les toiles.

    Les araignées du rêve

    Sortent de leur ventre

    Des fils d’encre.

     

    Elle déserte les rivages

    Dévoilant ses jambes ruisselantes

    Son sexe de goémon.

    Le ciel écarte les nuages 

    Se rince l’œil.

     

    Ou

    Elle redouble de vigueur ;

    Lâche ses chevaux d’écume

    Qui se cabrent, se ruent

    Creusent les roches.

    Dans les ressacs

    La dompteuse exhorte les crinières.

     

    Vêtue de brume

    On entend les rames des chaloupes.

    On devine les barbes

    Les boucliers

    Les cornes sur les casques

    Les plissures des fronts.

     

    De temps en temps une lumière :

    Une épée brandit sa lame

    Et déchire le rideau opaque.

    C’est la langue du sel

    Qui crie parmi les cordages ;

    Le loup marin

    Qui arrache sa pelure.

     

    Le souffle

    Enivre les narines de la création.

    Son pollen féconde

    Le chant des voiles

    Et les îles.

     

    La pluie se perd dans l’amplitude.

    Mais

    Quand les yeux noirs iodés

    Deviennent transparents

    Autour de son cou

    La belle porte des bijoux étincelants.

     

    La poitrine épanouie

    Elle se balance de liane en liane

    Dans les forêts d’algues

    Appelant les fauves

    Et les troupeaux d’éléphants.

     

    Après le ralliement

    Le bruit de frottement

    Qui persiste

    N’est rien d’autre qu’une plume

    Qui griffe le papier.

     

    Propagée de soleil

    Son corps transmuable

    Arbore

    Des bleus, des verts, des jaunes, des rouges.

     

    Mais jamais !

     

    Jamais !

     

    Les arbres ne perdent leurs feuilles.

     

     

    LA MER

     

    PIERRE RIVE extraits livres Ecriture Vol 1 et Vol 2

     

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