• Quand... (poème)

     

    Quand ils seront dans la tombe

    Ils seront comme tous les morts

    Cellules décomposées

    Peaux décolorées

    Raideur des paupières et des membres

    Bactéries propagées jusqu’au cerveau

    Corps verdâtres de la putréfaction

    Et

    Paradis des mouches.

     

    Quand ils seront dans la tombe

    Ils seront comme tous les morts

    Ni plus riches

    Ni plus pauvres.

     

    Trop

    Trop de pas se sont enlisés

    Dans la boue de la convoitise

    Et les poulpes de la duplicité ont envahi les visages

    Trop

    Trop de salamandres se sont entre-dévorées

    Dans l’eau du même puits

    Trop

    Trop de prédateurs

    Se sont désaltérés dans des flaques de sang

    Les dents aiguisées                                     

    Par les pierres de la cruauté.

                                                         

    Trop

    Trop de tempêtes ont agité l’huile de la mer

    Trop

    Trop de tempêtes ont été apprivoisées

    Par des chants insidieux

    Et les vices ont emperlé le cou des navires

    Le soleil s’est pavané sur les boulevards de l’orgueil

    Et l’ombre castratrice

    S’est allongée sur le sable de l’espoir.                                                 

     

    Trop

    Trop de souffrances se sont agrippées

    Aux barques du ciel

    Trop

    De barreaux ont vociféré

    Contre les cages

    Et l’ennui a grimpé aux murs

    Comme une plante vénéneuse.

    Trop

    Trop de jardins sans saveur

    Trop de paroles sans amour.

     

    Quand ils seront dans la tombe

    Ils seront comme tous les morts

    Ni plus riches

    Ni plus pauvres

    Mais qu’auront-ils fait de leur vie ?

     

    Ils auront vilipendé l'éclat des jours

    Ils auront détourné les fleuves de l'équité

    Ils auront mesuré, calculé, analysé

    Ils auront enduré, digéré

    Ils auront tiré les pierres des royaumes

    Avec sur le dos

    Les morsures des lanières.

     

    Mais

    L’étincelle

    Tant de fois renouvelée

    Dans la brèche du songe

    Comme un oiseau délivré.

     

    L’étincelle

    Que les feux ont vue grandir                                

    Lorsque les flux chassaient les brumes

    Et que crépitait la solitude.

     

    L’étincelle

    N’a jamais envié

    Ni voulu posséder.

     

    Manches retroussées

    Sous la voûte céleste

    Le verbe invite l’encre.

     

    Dans le pelage de la Grande Ourse

    Grouillent des souffles inassouvis.

     

     

     Quand...               Pierre Rive